Les menaces
Les menaces pesant sur les populations de limicoles sont diverses et leurs actions parfois simultanées, accentuent les risques de déclin. Les menaces peuvent être également différentes en fonction de la phase du cycle biologique, que ce soit durant la reproduction, la migration ou l’hivernage.
Les types de menaces inventoriées proviennent de l’article suivant : « Pearce-Higgins, J.W., Brown, D.J., Douglas, D.J., Alves, J.A., Bellio, M., Bocher, P., Buchanan, G.M., Clay, R.P., Conklin, J., Crockford, N., et al. (2017). A global threats overview for Numeniini populations: synthesising expert knowledge for a group of declining migratory birds. Bird Conservation International 27, 6–34″.
Le dérangement
L’intrusion et la perturbation d’origine humaine peuvent être considérées comme les menaces les plus critiques, en particulier en dehors des périodes de reproduction. Bien qu’il y ait des preuves que les perturbations peuvent avoir des impacts localisés sur la répartition des oiseaux durant la reproduction, les effets de telles perturbations durant la saison de reproduction semblent actuellement limités. Bien qu’il puisse être difficile à étudier, le dérangement peut affecter le comportement et la répartition des individus durant les haltes migratoires et la période d’hivernage. Les oiseaux ayant accès a des habitats bien particuliers pour l’alimentation ou le repos, n’ont que très peu de sites de repli en cas de dérangements répétés. Les espaces protégés telles que les réserves naturelles limitent l’impact du dérangement et offre des espaces de quiétude indéfectibles.
L’artificialisation des terres
Le développement urbain et la construction d’infrastructures de transport ont été considérés comme ayant des impacts conséquents sur les populations de limicoles, en particulier sur les zones littorales, durant la période d’hivernage. Ces modifications ou disparitions des habitats peuvent entraîner des changements importants dans l’utilisation des sites fonctionnels des oiseaux. En plus des effets directs sur la disponibilité de l’habitat, les routes peuvent réduire la densité locale de oiseaux en reproduction en limitant l’accès des juvéniles à des aires d’alimentation éloignées. Avec le développement côtier, incluant l’installation de structures pour la production d’énergies renouvelables, les populations peuvent également subir un impact localisé amenant les oiseaux à se déplacer sur d’autres sites où leur mortalité peut être accrue.
La pollution
Bien qu’il y ait peu de preuves (et peu d’études) sur les effets directs de la pollution sur les limicoles, l’augmentation des niveaux de pollution est l’une des menaces qui contribuent à la détérioration de l’environnement en milieu côtier. La pollution peut entrainer des proliférations d’algues ayant une incidence sur l’accès aux proies sur les vasières intertidales ou dans les marais. Les augmentations de pollution se produisent fréquemment en conjonction avec un certain nombre de pratiques agricoles ou industrielles comme par exemple, le transport, l’exploitation minière, l’agriculture et l’aquaculture. Ces pratiques contribuent à une détérioration générale de la disponibilité de l’habitat ou de sa qualité. Là où les populations dépendent fortement des habitats agricoles, tels que le riz en Europe, en Afrique et dans les Amériques, les limicoles peuvent également être exposés à une contamination chimique avec des impacts incertains car non évalués jusqu’à maintenant.
Les pratiques agricoles
Les effets de l’intensification et de l’expansion agricole et forestière semblent moins avoir un impact important sur certaines populations durant la reproduction. A travers l’Europe, un grand nombre d’études ont identifié les impacts négatifs résultant de l’intensification de l’agriculture. Par exemple, la fréquence accrue de la fauche et l’introduction de densités élevées de bétail dans les prairies agricoles augmentent à la fois la destruction des œufs et la mortalité des poussins, tandis que les pratiques utilisées pour améliorer la croissance de l’herbe (le drainage, le réensemencement, des niveaux élevés d’intrants, le laminage) réduisent la qualité des habitats de reproduction et diminuent le taux de croissance des poussins. Combinés, ces effets ont entraîné une diminution drastique de la population de barge à queue noire aux Pays-Bas. De même, la transition rapide dans une grande partie de l’Europe des prairies à foin avec une seule coupe, à l’ensilage avec plusieurs fauches en une saison, a transformé de nombreux habitats de prairies préalablement appropriés aux populations. Il convient de noter, cependant, que la gestion extensive du pâturage peut être un outil important pour maintenir des conditions appropriées pour certaines espèces comme la barge à queue noire ou le coulis cendré en favorisant des habitats semi-naturels ouverts et hétérogènes.
Impact du changement climatique
Les limicoles pourraient être particulièrement sensibles aux altérations de l’abondance des ressources alimentaires pendant la saison de reproduction, bien que jusqu’à présent, peu de variations de populations reproductives ont été liées quantitativement aux changements climatiques. Néanmoins, les changements dans la répartition et l’abondance des plantes ligneuses dans l’Arctique devront être pris en compte, occasionnant un déplacement local des populations nicheuses et pourraient potentiellement avoir une incidence plus large sur la limite sud de répartition des espèces. Loin des aires de reproduction, la perte d’habitat due à l’élévation du niveau de la mer aura une incidence importante sur la disponibilité en nourriture sur les vasières intertidales. L’impact de la montée du niveau de la mer est susceptible d’être fortement dépendant de la topographie du site. Ainsi les endroits où les digues feront obstacle au déplacement des vasières, les aires d’alimentation en milieu intertidal seront fortement réduites, limitant ainsi le nombre de limicoles capable de s’y nourrir.
La chasse et la pêche
Le groupe des courlis et des barges a longtemps été affecté par la chasse et il a été montré que la survie des adultes augmente lorsque les interdictions de chasse sont mises en œuvre. La chasse légale ou illégale peut être considérée comme une menace non négligeable dans certains pays. En Europe, la France est l’un des derniers pays où la chasse aux limicoles est autorisée et où environ 10000-15000 barges à queue noires étaient prélevées par an avant la mise en place d’un moratoire. Si les effectifs prélevés ne sont pas connus, il n’est alors pas possible d’estimer l’impact des prélèvements sur les populations de limicoles. Il est donc nécessaire de quantifier les prélèvements afin de les comparer aux effectifs par population dans le but de suggérer et appliquer des mesures de contrôle pour une gestion durable. Dans certains pays d’Afrique, la chasse illégale peut être également une source de diminution des populations mais il est extrêmement difficile d’estimer cet impact en l’absence d’organismes de contrôle.
La récolte des mollusques et de vers sur les sites d’alimentation des limicoles et l’expansion de l’industrie de l’aquaculture peuvent également réduire davantage le taux de survie durant la période d’hivernage. Le dérangement occasionné durant les sessions de pêches récréatives limite l’accès aux zones d’alimentation.